Maigret n’est pas maigre ; au contraire, inciter les criminels à se mettre à table lui donne faim. C’est aussi retrouver son épouse, que ses fonctions ne lui permettent pas de voir autant qu’il le voudrait, sollicité le dimanche et parfois en soirée par les cadavres, les enquêtes et les assassins. Je l’ai évoqué une fois sur ce blog.
Courtine n’est pas Nouvelle cuisine ; au contraire, inciter les Français à bien manger lui donne de l’imagination. Auteur d’une encyclopédie des vieilles recettes du terroir, il aime chez Simenon cet abord familier de la table, des produits simples, de la cuisine dite « bourgeoise » qui n’est que paysanne montée depuis à la ville.
Maigret et Courtine devaient se rencontrer, en témoigne ce livre. Simenon aimait trop les femmes pour ne pas goûter leur cuisine après leurs appâts. Elles lui rappellent l’enfance heureuse, la quiétude de la digestion, propice à une réflexion sereine. Louise Maigret est alsacienne, pays du bien manger. Pour le reste, bistros, brasseries, restaurants de quartier, cuisine régionale, Jules Maigret est un gourmet. Une blanquette vaut une enquête.
Dans ce recueil, fait de 89 recettes reconstituées lues ici ou là dans les 75 romans policiers et 28 nouvelles du commissaire Maigret, Courtine réinvente la cuisine populaire. Celle qui disparaît peu à peu au profit des vite-bouffés globish, des bourre-faim à farine et à graisse qu’on avale à la hâte – bien pires pour la santé que les sauces dites « grasses » d’hier.
Vous y trouverez la célèbre soupe à l’oignon (gratinée), les andouillettes (de Troyes) et les filets de hareng (de la mer du Nord), la mouclade des boucholeurs et les escargots à l’alsacienne, les maquereaux au four et la bouillabaisse (dont Simenon raffolait), le lièvre à la royale et le coq au Riesling, les tripes à la mode de Caen et les ris-de-veau grand-mère, le bœuf miroton et la côte de bœuf braisée, le fricandeau à l’oseille (qu’on ne voit plus sur aucune carte !) et l’épaule de mouton farcie bonne femme, la choucroute (à la parisienne) et la potée (lorraine), la tarte aux mirabelles et les crêpes Suzette…
« Il y a un arrière-goût discret, à peine perceptible, qui en fait le charme et que je n’arrive pas à identifier. – C’est pourtant simple… Je suppose que vous ajoutez, au dernier moment, un verre de cognac. (…) Eh bien moi, bien que cela ne soit pas orthodoxe, je mets de la prunelle d’Alsace. Voilà tout le secret » (Une confidence de Maigret).
C’est du coq au vin (blanc de Riesling) dont il s’agit, avec sa belle sauce nappant de crème à l’œuf sur fond blanc longuement réduit. Facile à faire, long à mijoter, délicieux à déguster.
Vous m’en direz des nouvelles ! Un bien bon livre, à découvrir page après page et à lire sur la table.
Courtine, Simenon et Maigret passent à table – Les cahiers de recettes de Madame Maigret, 1974 revu 1992, Robert Laffont La petite vermillon 2013, 268 pages, €8.27
